29 juillet 2016

Jean Perrégaux, l’archétype du financier

Par Bernard Plouvier

Fils d’un officier suisse au service du roi de France, Jean, Frédéric Perrégaux (1744-1808) travaille à Paris pour Necker, à partir de 1765, puis devient l’associé du banquier suisse Isaac Panchaud, en 1781. Ils sont notamment les banquiers du cardinal de Rohan.

Réputé pour sa vie fastueuse et mondaine, il profite largement des emprunts lancés par Necker, si avantageux pour les créanciers et ruineux pour l’État français. Il engage un an avant la tourmente révolutionnaire un jeune homme plein d’avenir, Jacques Laffitte.

Affolé par la chute des cours boursiers qui suit le renvoi de Necker, les 12 et 13 juillet 1789, il mobilise tous ceux qui le veulent bien et devient ainsi un des nombreux « Vainqueurs de La Bastille » (et probablement le plus riche). Ébloui par la prostituée luxembourgeoise Anne Théroigne « de Méricourt », il en devient le mécène.

En 1791-94, il soutient généreusement les « Patriotes » de la section de la Place Vendôme (rebaptisée « des Piques », en septembre 1792) : c’est la 5e section parisienne, celle de Maximilien Robespierre (qui le méprise ouvertement) et des « ultras » Jacob Pereira et Andres Guzman, « Don Tocsinos ».

En outre, il est l’un des banquiers du Comité de salut public. Il procure des fonds provenant du gouvernement britannique au très corrompu Bertrand Barère, l’homme qui a remplacé le non moins corrompu Jean Hérault de Séchelles à la direction des Affaires Étrangères au Comité de salut public, et qui trahit les secrets du gouvernement révolutionnaire au profit des ennemis britanniques… Talleyrand ne fera pas mieux, sous l’Empire.

Ainsi protégé des accusations de « modérantisme », il peut spéculer en toute quiétude sur les grains, exporter frauduleusement – en pleine guerre – vers l’Espagne ou surtout la Grande-Bretagne les biens des émigrés (et certains des siens), tout en achetant énormément de Biens Nationaux. Pour son trafic d’Outre-Manche, il est associé au banquier britannique Robert Herries et, pour celui d’Espagne, au banquier Francesco Cabarrus.

Lorsqu’en février 1794, des accusations contre ses trafics commencent à circuler au Comité de salut public, Barère le fait passer en Suisse, nanti d’un passeport faisant de lui un envoyé en mission.

Plus prospère que jamais, il est très influent sous le Directoire, où il finance Talleyrand, le très vénal ministre des Relations Extérieures, de juillet 1797 à juillet 1799. Il achète le château de Viry-Châtillon à Antoine de Sartine, émigré en Espagne.

Il ouvre, le 19 juin 1796, la Caisse des comptes courants, à la fois banque de dépôts et banque d’affaires. Il marie sa fille Hortense, le 12 avril 1798, à un ami de Bonaparte : le jeune général de brigade Louis Marmont de Viesse, futur maréchal d’empire, puis finance, avec Claude Perier et Jean-Barthélémy Le Couteulx de Canteleu, le coup d’État des 18-19 brumaire VIII (9 et 10 novembre 1799).

Bonaparte n’est pas un ingrat. Perrégaux devient l’un des Régents de la Banque de France (le 13 février 1800), puis le Président de son Conseil de Régence (le 18 octobre 1801). Sénateur depuis le 26 décembre 1799, il est créé comte d’Empire et Napoléon lui octroie même les honneurs du Panthéon, le 22 février 1808, cinq jours après sa mort.

C’est, comme Le Couteulx de Canteleu, mais avec un plus important réseau de relations internationales, l’archétype du financier, proche du Pouvoir, quel qu’en soit le titulaire.

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