27 juillet 2016

Germaine de Staël-Holstein et ses énormes défauts et qualités…

Par Bernard Plouvier

Élevée dans le culte de son père, Jacques Necker, Germaine, Anne, Louise, de Staël-Holstein (1766-1817) est un « singe savant » précoce. Dès son adolescence, elle est la rivale de sa mère, dans son salon littéraire et dans l’affection de son père. Très convoitée par les coureurs de dot, elle épouse en 1785 l’ambassadeur de Suède à Paris, bel homme, intellectuellement nul, mais apparenté aux familles royales danoise et russe : le baron Éric-Magnus de Staël-Holstein… Elle aurait préféré épouser William Pitt junior, mais il est peu porté sur les femmes et ne s’est jamais soucié d’elle.

En 1788, elle publie son premier opus : un médiocre panégyrique de Jean-Jacques Rousseau, où elle fait surtout l’éloge de son propre père, et s’entiche de son premier amant : le comte de Narbonne-Lara. Elle fera beaucoup mieux ensuite.

En 1789-90, elle est l’égérie des « Monarchiens » et, en 1791, celle des « Feuillants », deux groupes de modérés, séparés par des querelles de personnes. C’est grâce à son influence que Narbonne devient ministre de la Guerre, le 7 décembre 1791, ce qui met son époux en fâcheuse posture face à son roi Gustave III, très hostile aux révolutionnaires.

Elle adopte une position très courageuse en août 1792, au moment où les révolutionnaires n’hésitent pas à massacrer les Suisses de la garde royale, et sauve d’une mort probable un certain nombre d’aristocrates de ses amis. Elle retourne à Coppet (en Pays de Vaud) en septembre, d’où elle organise, à grands frais, un réseau d’émigration, grâce à de faux passeports suédois. La multiplication de ses aventures amoureuses lui vaut de fréquents accrochages avec sa mère, prude calviniste.

En septembre 1794, elle parvient à séduire Benjamin Constant, l’enlevant à sa grande rivale, l’aristocrate néerlandaise et femme de lettres fixée en Suisse, Isabelle de Charrière, née van Tuyll et surnommée La belle châtelaine de Zuylen. Leur liaison, orageuse et intermittente, durera jusqu’en 1810. C’est avec Benjamin qu’elle rentre à Paris en mai 1795 et ouvre un salon littéraire et politique, fréquenté par Marie-Joseph Chénier et Charles-Maurice Talleyrand. Elle se fait expulser dès le mois d’octobre, en raison de ses propos maladroits et de sa propension à se mêler de tout.

En décembre 1796, son ami Barras l’autorise à revenir en France ; elle obtient de lui la nomination de son ami Talleyrand au ministère des Relations Extérieures, où il se révèle très corrompu et assez peu habile : il fera mieux ensuite et dans les deux registres. Elle sauve de nouveau quelques amis lors de l’épuration de septembre 1797 (en fructidor V), mais, en cet automne, elle se fait éconduire assez grossièrement par Bonaparte qu’elle a tenté de séduire : le général n’aime pas les femmes grasses ! Elle est de nouveau expulsée en janvier 1798. Dans ses écrits passablement ridicules de ces deux années 1797-98, elle vante les mérites d’une République aristocratique et protestante, dirigée par des écrivains.

Enthousiasmée par la nomination de son Benjamin au Tribunat, elle fait l’éloge de la Constitution de l’An VIII, mais elle est emportée par la disgrâce de son amant, opposant systématique à la politique du Premier Consul. Elle publie coup sur coup De la littérature et Delphine (en 1802), tout en animant un salon d’idéologues. Elle est exilée « à 40 lieues de Paris » en 1803, et voyage en Allemagne et en Italie. Elle est très affectée par la mort de son père en 1804 et usera vainement une partie de ses dernières années à en réhabiliter la mémoire.

En 1807, elle publie Corinne, « un fatras de phrases » (selon Napoléon Ier), puis De l’Allemagne (1810), qui est aussi mal reçu par l’empereur. En 1813, en Suède, elle conseille à Bernadotte, devenu héritier de la couronne de Suède-Norvège, de se joindre à la coalition antinapoléonienne… Il n’a guère besoin de ses conseils pour s’attaquer à un rival qu’il a toujours jalousé.

En mai 1814, elle rouvre son salon parisien. Elle se réfugie à Coppet durant les Cent Jours. Elle ne revient à Paris qu’en octobre 1816 et meurt en juillet 1817, après avoir marié sa fille richissime au 3e duc de Broglie : la fortune familiale est alimentée par des rentes sur divers États et des revenus fonciers suisses, britanniques et nord-américains. En 1818, paraissent ses Considérations sur la Révolution française.

La dame était laide, grasse, gaffeuse et indiscrète, négligée, voire malodorante, aussi prétentieuse que son père, en outre dominatrice et sexuellement insatiable. Ses énormes défauts n’ôtent rien à la qualité de son œuvre littéraire (et en expliquent même une partie). Si le nombre de ses amants fut grand, celui des personnes qu’elle a sauvées en 1792 et 1797 fut plus grand encore.

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Philippe Randa,
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