26 décembre 2019

À propos du « survivant désigné »

Par Georges Feltin-Tracol

La chaîne de télévision C8 diffuse depuis le 17 novembre dernier chaque dimanche soir quatre épisodes de la première saison de Survivant désigné. Lancée en 2015, cette série étatsunienne s’est arrêtée au terme de trois saisons en juillet 2019. On trouve parmi ses auteurs David Guggenheim, un rédacteur des discours de Bill Clinton et d’Al Gore et l’acteur – producteur Kal Penn, fort proche de l’entourage de Barack Obama.

Quant à la vedette principale, le Canadien Kiefer Sutherland, elle ne cache pas sa sympathie pour le Nouveau Parti démocratique, l’équivalent à Ottawa de Génération.s de Benoît Hamon. Cette série synthétise toutes les lubies néo-conservatrices et progressistes qui constituent l’idéologie de l’État profond yankee.

Librement inspirée des aventures de Jack Ryan, le héros de Tom Clancy, l’intrigue tourne autour du « survivant désigné » Thomas Adam Kirkman. Lors de l’investiture présidentielle tous les quatre ans et au moment du discours annuel du président des États-Unis sur l’état de l’Union devant les deux chambres réunies du Congrès, la Maison Blanche désigne un membre du gouvernement qui, placé sous la protection du Secret Service dans un lieu tenu secret, doit assumer en cas de destruction des institutions la continuité de l’État et devenir le nouveau président des États-Unis.

Au lendemain du 11 septembre 2001, le vice-président Dick Cheney et le secrétaire à la Santé et aux Services sociaux étaient ces « survivants désignés ». Le 20 janvier 2009, jour de la prestation de serment de Barack Obama, le secrétaire à la Défense, le républicain Robert Gates, maintenu dans ses fonctions par le nouvel élu démocrate, assumait ce rôle.

Depuis 2005, le Congrès choisit lui aussi des sénateurs et des représentants « survivants » qui assisteront le cas échéant le nouveau président afin de renforcer leur légitimité respective. La série s’attarde un peu sur cette fragilité constitutionnelle intrinsèque. Secrétaire au Logement et au Développement urbain bientôt démissionné, Thomas Kirkman est un universitaire, inscrit chez les indépendants, qui n’a participé à aucune campagne électorale.

Il devient chef de l’État après l’explosion terroriste du Capitole. Susceptible d’accéder au Bureau ovale dans des circonstances tragiques, le « survivant désigné » doit respecter les conditions d’éligibilité à la présidence des USA : y être né, avoir au moins 35 ans et avoir eu sa nomination au poste ministériel confirmée par le Sénat. Pour l’heure, en sont exclus la secrétaire aux Transports de Donald Trump, Elain Chao, originaire de Taïwan, naturalisée en 1972, et Chad Wolf, le secrétaire à la Sécurité intérieure par intérim.

Adopté en 1967, le XXVe amendement n’évoque que le vice-président, même s’il réaffirme toute sa légitimité à succéder au président élu. Le cas s’est présenté à neuf reprises, huit décès et une démission, à savoir Gerald Ford, successeur de Richard Nixon en 1974. Or le vice-président qui accède à la présidence sans avoir été élu se voit souvent décrié. Président de droit du Sénat, il est souvent écarté des affaires courantes par son colistier. Truman découvre le projet Manhattan à la mort de Roosevelt. Depuis Bill Clinton, la vice-présidence a été notoirement revalorisée et son titulaire promu coresponsable des mesures prises par l’exécutif.

Ce dédain remonte aux premiers temps des États-Unis quand le vaincu de la présidentielle devenait néanmoins vice-président. Malgré le changement du mode d’élection, cette défiance perdure. John Tyler succède en 1841 à William Henry Harrison investi un mois plus tôt, victime d’une pleurésie mortelle. Perçu comme un homme d’État médiocre, le dixième président Tyler agit cependant en tant que président à part entière et non pas comme un quelconque président par intérim. Il dirige en revanche les États-Unis sans aucun vice-président à ses côtés. En cas de drame, qui l’aurait remplacé ?

Le Congrès vota dès 1792 une première loi de succession présidentielle. Elle prévoyait qu’en cas de vacance de la présidence et de la vice-présidence, la fonction reviendrait au président pro tempore du Sénat (c’est-à-dire le doyen de la majorité sénatoriale, aujourd’hui le républicain de l’Iowa Chuck Grassley), puis au speaker (président) de la Chambre des représentants, soit la démocrate californienne Nancy Pelosi. En 1886, une nouvelle loi modifie l’ordre.

La charge présidentielle reviendrait alors au secrétaire d’État (soit Mike Pompeo), puis dans l’ordre protocolaire aux autres secrétaires du Cabinet. En 1947, Harry Truman promulgue un troisième ordre de succession encore en vigueur : vice-président, speaker, président pro tempore du Sénat, secrétaire d’État, secrétaire à la Défense et les onze autres ministres sur les quinze envisagés.

Toutefois, anglais oblige, les textes demeurent assez obscurs. En effet, en cas de destruction complète des institutions, qu’est-ce qui empêcherait les parlementaires survivants d’élire un speaker qui reléguerait ainsi au second plan le survivant désigné de l’exécutif ? Ce dernier serait-il contraint de démissionner quelques jours après son entrée en fonction ? Le « survivant désigné » nouveau président serait-il vraiment obéi ? Dans la série, le gouverneur du Michigan ne reconnaît pas l’autorité de Tom Kirkman, mais (merci les scénaristes !) ce gros naïf accepte de se rendre à Washington où il se fait arrêter pour sédition et conspiration. Mais si le gouverneur avait refusé de se déplacer et obtenu en prime l’aide de son assemblée d’État et de la Cour suprême locale, comment aurait réagi Washington ?

Dans ce contexte exceptionnel, un État fédéré pourrait bien aller jusqu’à l’épreuve de force en proclamant sa souveraineté effective.

Ces interrogations ne visent pas que le « survivant désigné », elles concernent aussi le speaker et le président pro tempore. Dans l’éventualité peu probable d’une destitution simultanée de Donald Trump et de Mike Pence, Nancy Pelosi bénéficierait-elle d’une réelle légitimité ? Toutes ces hypothèses montrent en tout cas la méfiance atavique des Étatsuniens pour les modalités non électives de succession du résident au 1600, Pennsylvania Avenue.

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